2 août 2008
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19:53
Si votre but est de trouver un peu de temps pour écrire et de faire quelque argent de cete activité, alors participer à un atelier d'écriture est le
meilleur moyen d'échouer à atteindre votre objectif.
Je dis "participer", mais ne nous méprenons pas: mettre les pieds dans l'enfer sur Terre va vous coûter un bras et un rein. Bref, environ une livre de viande.
Je dis aussi "l'enfer sur Terre" parce que, on ne le rappelera jamais assez: il n'y a rien de pire pour un scénariste qu'un autre scénariste. C'est la rentrée, il est temps de redevenir parano, on est plus sur la plage.
Mais admettons.
Admettons que vous ne me croyiez pas sur parole et que vous vous dirigiez d'un pas léger et les poches pleines d'un argent durement gagné - lequel va très rapidement changer de mains - dans une salle où se déroule un de ces fameux ateliers, dont les adresses ne circulent qu'entre les initiés les plus au fait du métier, et dont vous faites partie, petit(e)s veinard(e)s.
Qu'allez-vous y trouver?
D'abord, vous allez y rencontrer six, peut-être sept autres personnes comme vous. Par "comme vous", j'entends qu'elles ont les mêmes angoisses, les mêmes attentes, les mêmes rêves, et in fine le même objectif: vendre un script à des producteurs qui n'ont qu'une somme - de plus en plus- limitée à donner à des gens comme vous.
S'il vous reste un peu de discernement, il vous hurlera que voilà l'ennemi.
Trônant au milieu de tout ce beau monde, derrière les sourires duquel vous pourrez rapidement noter cette haine toute confraternelle qui permet de reconnaitre un(e) vrai(e) collègue, vous allez également trouver le maitre de cérémonie, le roi du pétrole, le Sauveur qui vous sépare de la gloire et de la richesse sur plusieurs générations, le mâle Alpha, bref, Dieu en personne: le docteur en écriture.
A l'intention des étourdi(e)s: c'est à lui que vous devez remettre l'argent que vous avez dans les poches. (Comptez grosso modo un mois de - plutôt bon- salaire pour une trentaine de séances hebdmomadaires d'environ quatre heures chacune.)
Les mêmes lambeaux de votre discernement vous enverront un signal de très mauvais pressentiment concernant ce personnage. En morse.
Notez bien, l'argent est assez accessoire dans cette affaire, Mais sincèrement, payer pour souffrir, faut vraiment être maso.
Parce que le fait d'intégrer un atelier d'écriture présuppose plusieurs choses, toutes également fausses.
"Vous allez soumettre votre travail à l'oeil critique d'un expert, qui est là pour vous aider à résoudre vos problèmes et à améliorer votre script. "
L'expert n'en est pas un, il n'a même généralement jamais rien écrit ni vendu, à part bien sûr le bouquin que tous les participants ont évidemment lu (et donc acheté) à l'avance, afin que tout le monde parle de la même chose, lequel bouquin n'est jamais qu'une recompilation de précédentes compilations de principes antérieurs, assénés avec un dogmatisme aussi abscond que souvent erroné.
Est-il besoin de préciser qu'il ne sert à rien dans le cadre de votre activité, à part à gaver les esprits faibles d'idées préconçues?
L'expert n'est pas là pour vous aider. Il est là parce que vous le payez pour cela. Vous n'auriez pas un sou, il ne serait pas en train de faire mine de vous écouter en pensant à sa liste de courses. D'ailleurs il n'a pas vraiment à vous écouter, puisque "pour leur bien et pour leur édification, afin de favoriser l'émulation", les autres scénaristes seront les principaux script doctors.
Avouez que se faire payer pour faire travailler les autres, c'est quand même un boulot de rêve. (Le Larousse nous indique qu'en matière d'atelier d'écriture, à "émulation", il est renvoyé à "lynchage public d'une violence insoutenable".)
L'expert ne va pas vous aider à progresser, ce n'est pas dans son intérêt, et pour cause. Si vous venez le voir, c'est que vous avez un problème. Plus il vous convainc que c'est effectivement le cas, plus vous allez le payer. - je vous rappelle qu'il gagne sa vie comme ça.
Ce qu'il vous vend en échange, c'est de l'espoir. Et l'espoir, il ne lui coûte pas grand' chose. Vous faire croire qu'au bout de la souffrance, il y a la délivrance, le talent et la vente, c'est d'une simplicité d'autant plus enfantine que vous êtes a priori entièrement disposé à le croire. Sinon, vous auriez écouté tonton Henscher, et vous ne seriez pas là.
Au bout, il n'y a rien pour vous. Il y a juste de l'argent pour lui, et le sentiment de supériorité dont il s'abreuve comme un vampire, lui à qui manque l'essentiel, à savoir la soif d'écrire et de créer.
Le plus beau dans l'histoire, c'est qu'il n'a pas grand chose à faire, puisque les script doctors improvisés vont rivaliser d'ardeur pour vous enfoncer., autant par instinct naturel que par désir de complaire au mâle Alpha. La dynamique de groupe fait des merveilles, c'est fou ce que la nature est bien faite quand même.
Vous vouliez plonger dans le grand bain, vous voilà servi, vous avez des piranhas jusqu'aux chevilles. Et ils ont faim, les salopiauds.
Parce que ce qu'il faut bien comprendre, c'est où vous êtes réellement tombé.
Un atelier d'écriture, c'est un concentré d'égo surdimensionnés, un bouillon de culture de manque de reconnaissance, un précipité d'angoisses existentielles, et un réservoir à mauvaises idées, celles que vous allez avaler, et de traits de génie, ceux que vous allez lâcher par mégarde et que d'autres que vous utiliseront, à commencer par ce bon docteur.
Ce n'est pas parce qu'il ne vous écoute pas qu'il ne vous entend pas.
Un atelier d'écriture, c'est un abattoir à idées, une moulinette à esprit critique. On y partage pas, on y saccage.
C'est un champ de bataille, dont on ressort crevé, avec quinze directions narratives différentes pour seulement une seule scène à écrire, que l'on n'a pas la vigueur de mettre en forme tout de suite et dont de toute façon on vous dira tout le mal que l'on en pense la semaine prochaine.
Reprenez du début et répétez.
Cela, c'est si le rythme est soutenu. (Un indice s'affiche sur votre écran: il ne l'est jamais)
Si vous pensez sérieusement que 7 scripts d'environ 120 pages chacun peuvent être étudiés en profondeur, disséqués, et améliorés, avec 6 ou 7 scénaristes enfermés dans une pièce quatre heure par semaine, c'est que vous connaissez bien mal vos congénères. A ce stade là, les dix premières pages de 3 scripts auront été vaguement passées en revue que l'année sera terminée.
La question étant de savoir combien de pages vous pouvez raisonnablement écrire en 120 heures. (Le saviez vous? Rocky a été écrit en une nuit, et son auteur a gagné un Oscar pour ça, et il vit encore en partie de ses rentes.)
Décomptez le temps de trajet, les probables prolongations au café jusqu'à plus d'heure, où vous lâcherez encore plus d'idées lumineuses qui ne seront plus les votres au moment même où votre esprit embrumé les formulera, les éventuelles histoires de coeur qui naitront de ces échanges, avec une rupture grandiloquente à la clef et vous devriez arriver à la bonne conclusion.
Restez à l'écart de ce genre de chose.
Parce qu'en vérité, les docteurs en écriture ont tous commencé comme ça, en pensant trouver le salut dans un atelier. Les fous. Plus les séquences passaient, et plus ils s'embourbaient créativement. Et plus ils s'embourbaient, plus ils devenaient impitoyables avec leurs petits camarades, car c'était le seul moment où ils se sentaient exister et où ils surnageaient. Jusqu'à oublier la raison première qui leur avait fait pousser la porte de l'atelier.
Votre boulot, votre mission, c'est écrire, et vendre ce que vous écrivez.
A un producteur, à un réalisateur, à un dessinateur, éventuellement à un éditeur.
C'est tout ce qui compte et ce qui doit jamais compter.
Laissez le reste aux futurs maitres à penser des plumitifs sans talent et aux critiques aigris.
Chacun son métier, et les vaches seront bien gardées.
Surtout les votres.
Mais il y a bien pire que de participer à un atelier d'écriture.
Dormir avec une grenade dégoupillée sous votre oreiller endommagera votre capacité créative dans des proportions autrement plus importantes, par exemple. Ca, ou avoir des enfants.
Je dis "participer", mais ne nous méprenons pas: mettre les pieds dans l'enfer sur Terre va vous coûter un bras et un rein. Bref, environ une livre de viande.
Je dis aussi "l'enfer sur Terre" parce que, on ne le rappelera jamais assez: il n'y a rien de pire pour un scénariste qu'un autre scénariste. C'est la rentrée, il est temps de redevenir parano, on est plus sur la plage.
Mais admettons.
Admettons que vous ne me croyiez pas sur parole et que vous vous dirigiez d'un pas léger et les poches pleines d'un argent durement gagné - lequel va très rapidement changer de mains - dans une salle où se déroule un de ces fameux ateliers, dont les adresses ne circulent qu'entre les initiés les plus au fait du métier, et dont vous faites partie, petit(e)s veinard(e)s.
Qu'allez-vous y trouver?
D'abord, vous allez y rencontrer six, peut-être sept autres personnes comme vous. Par "comme vous", j'entends qu'elles ont les mêmes angoisses, les mêmes attentes, les mêmes rêves, et in fine le même objectif: vendre un script à des producteurs qui n'ont qu'une somme - de plus en plus- limitée à donner à des gens comme vous.
S'il vous reste un peu de discernement, il vous hurlera que voilà l'ennemi.
Trônant au milieu de tout ce beau monde, derrière les sourires duquel vous pourrez rapidement noter cette haine toute confraternelle qui permet de reconnaitre un(e) vrai(e) collègue, vous allez également trouver le maitre de cérémonie, le roi du pétrole, le Sauveur qui vous sépare de la gloire et de la richesse sur plusieurs générations, le mâle Alpha, bref, Dieu en personne: le docteur en écriture.
A l'intention des étourdi(e)s: c'est à lui que vous devez remettre l'argent que vous avez dans les poches. (Comptez grosso modo un mois de - plutôt bon- salaire pour une trentaine de séances hebdmomadaires d'environ quatre heures chacune.)
Les mêmes lambeaux de votre discernement vous enverront un signal de très mauvais pressentiment concernant ce personnage. En morse.
Notez bien, l'argent est assez accessoire dans cette affaire, Mais sincèrement, payer pour souffrir, faut vraiment être maso.
Parce que le fait d'intégrer un atelier d'écriture présuppose plusieurs choses, toutes également fausses.
"Vous allez soumettre votre travail à l'oeil critique d'un expert, qui est là pour vous aider à résoudre vos problèmes et à améliorer votre script. "
L'expert n'en est pas un, il n'a même généralement jamais rien écrit ni vendu, à part bien sûr le bouquin que tous les participants ont évidemment lu (et donc acheté) à l'avance, afin que tout le monde parle de la même chose, lequel bouquin n'est jamais qu'une recompilation de précédentes compilations de principes antérieurs, assénés avec un dogmatisme aussi abscond que souvent erroné.
Est-il besoin de préciser qu'il ne sert à rien dans le cadre de votre activité, à part à gaver les esprits faibles d'idées préconçues?
L'expert n'est pas là pour vous aider. Il est là parce que vous le payez pour cela. Vous n'auriez pas un sou, il ne serait pas en train de faire mine de vous écouter en pensant à sa liste de courses. D'ailleurs il n'a pas vraiment à vous écouter, puisque "pour leur bien et pour leur édification, afin de favoriser l'émulation", les autres scénaristes seront les principaux script doctors.
Avouez que se faire payer pour faire travailler les autres, c'est quand même un boulot de rêve. (Le Larousse nous indique qu'en matière d'atelier d'écriture, à "émulation", il est renvoyé à "lynchage public d'une violence insoutenable".)
L'expert ne va pas vous aider à progresser, ce n'est pas dans son intérêt, et pour cause. Si vous venez le voir, c'est que vous avez un problème. Plus il vous convainc que c'est effectivement le cas, plus vous allez le payer. - je vous rappelle qu'il gagne sa vie comme ça.
Ce qu'il vous vend en échange, c'est de l'espoir. Et l'espoir, il ne lui coûte pas grand' chose. Vous faire croire qu'au bout de la souffrance, il y a la délivrance, le talent et la vente, c'est d'une simplicité d'autant plus enfantine que vous êtes a priori entièrement disposé à le croire. Sinon, vous auriez écouté tonton Henscher, et vous ne seriez pas là.
Au bout, il n'y a rien pour vous. Il y a juste de l'argent pour lui, et le sentiment de supériorité dont il s'abreuve comme un vampire, lui à qui manque l'essentiel, à savoir la soif d'écrire et de créer.
Le plus beau dans l'histoire, c'est qu'il n'a pas grand chose à faire, puisque les script doctors improvisés vont rivaliser d'ardeur pour vous enfoncer., autant par instinct naturel que par désir de complaire au mâle Alpha. La dynamique de groupe fait des merveilles, c'est fou ce que la nature est bien faite quand même.
Vous vouliez plonger dans le grand bain, vous voilà servi, vous avez des piranhas jusqu'aux chevilles. Et ils ont faim, les salopiauds.
Parce que ce qu'il faut bien comprendre, c'est où vous êtes réellement tombé.
Un atelier d'écriture, c'est un concentré d'égo surdimensionnés, un bouillon de culture de manque de reconnaissance, un précipité d'angoisses existentielles, et un réservoir à mauvaises idées, celles que vous allez avaler, et de traits de génie, ceux que vous allez lâcher par mégarde et que d'autres que vous utiliseront, à commencer par ce bon docteur.
Ce n'est pas parce qu'il ne vous écoute pas qu'il ne vous entend pas.
Un atelier d'écriture, c'est un abattoir à idées, une moulinette à esprit critique. On y partage pas, on y saccage.
C'est un champ de bataille, dont on ressort crevé, avec quinze directions narratives différentes pour seulement une seule scène à écrire, que l'on n'a pas la vigueur de mettre en forme tout de suite et dont de toute façon on vous dira tout le mal que l'on en pense la semaine prochaine.
Reprenez du début et répétez.
Cela, c'est si le rythme est soutenu. (Un indice s'affiche sur votre écran: il ne l'est jamais)
Si vous pensez sérieusement que 7 scripts d'environ 120 pages chacun peuvent être étudiés en profondeur, disséqués, et améliorés, avec 6 ou 7 scénaristes enfermés dans une pièce quatre heure par semaine, c'est que vous connaissez bien mal vos congénères. A ce stade là, les dix premières pages de 3 scripts auront été vaguement passées en revue que l'année sera terminée.
La question étant de savoir combien de pages vous pouvez raisonnablement écrire en 120 heures. (Le saviez vous? Rocky a été écrit en une nuit, et son auteur a gagné un Oscar pour ça, et il vit encore en partie de ses rentes.)
Décomptez le temps de trajet, les probables prolongations au café jusqu'à plus d'heure, où vous lâcherez encore plus d'idées lumineuses qui ne seront plus les votres au moment même où votre esprit embrumé les formulera, les éventuelles histoires de coeur qui naitront de ces échanges, avec une rupture grandiloquente à la clef et vous devriez arriver à la bonne conclusion.
Restez à l'écart de ce genre de chose.
Parce qu'en vérité, les docteurs en écriture ont tous commencé comme ça, en pensant trouver le salut dans un atelier. Les fous. Plus les séquences passaient, et plus ils s'embourbaient créativement. Et plus ils s'embourbaient, plus ils devenaient impitoyables avec leurs petits camarades, car c'était le seul moment où ils se sentaient exister et où ils surnageaient. Jusqu'à oublier la raison première qui leur avait fait pousser la porte de l'atelier.
Votre boulot, votre mission, c'est écrire, et vendre ce que vous écrivez.
A un producteur, à un réalisateur, à un dessinateur, éventuellement à un éditeur.
C'est tout ce qui compte et ce qui doit jamais compter.
Laissez le reste aux futurs maitres à penser des plumitifs sans talent et aux critiques aigris.
Chacun son métier, et les vaches seront bien gardées.
Surtout les votres.
Mais il y a bien pire que de participer à un atelier d'écriture.
Dormir avec une grenade dégoupillée sous votre oreiller endommagera votre capacité créative dans des proportions autrement plus importantes, par exemple. Ca, ou avoir des enfants.