Bientôt de retour.
Bientôt de retour.
C'est fou comme le temps passe vite, trouvez pas?
J'ai failli rater 2011.
Bon, d'accord.
J'ai raté 2011.
Voire même une partie de 2010, je vous le concède.
En effet, tout auréolé du battage médiatique - tout relatif mais battage quand même - qui a accompagné la sortie du Banni, j'aurais du enchainer. J'aurais du mettre à profit cette fenêtre de pseudo célébrité pour inonder les éditeurs de pitchs plus accrocheurs les uns que les autres, me mettre en ménage avec les dessinateurs les plus sexy du moment, et me retrouver avec deux, trois, quatre, que dis-je, au moins six séries en chantier à la fin de l'été. 2010, toujours.
C'est bien mal connaitre ma propension au doute coupable et à la pondération volontiers procrastinatrice, couplés, il faut bien le reconnaitre, à un amour par trop immodéré pour ce que la production vidéoludique peut nous apporter de meilleur.
Disons-le tout net, ma production s'en est vivement ressentie.
Ajoutez à cela ma sale manie de tenter à toute force de fourguer les projets les moins immédiatement vendeurs aux éditeurs les plus conservateurs, et vous aurez une idée assez précise de l'enchainement d'accidents industriels dont ces deux dernières années ont été jalonnées.
Pour être tout à fait complet, il faudrait préciser que le Seigneur des Couteaux, bien que tous les éléments aient été livrés il y a plus d'un an, est désormais bloqué dans les limbes d'un univers parrallèle dont j'ignore s'il en sortira jamais.
Egalement, le Banni a été victime de ce qu'on appelle pudiquement un accident de la vraie vie, lequel a contraint Tarumbana à lever le pied pendant un long moment. Or, en bande dessinée, dans le marché actuel, ralentir, c'est mourir.
Si le projet a repris - et de fort belle façon - il est évident que la série ne connaitra jamais le succès quasi mécanique que lui aurait offert une sortie annuelle régulière, succès auquel elle aurait pu prétendre vues les excellentes ventes du premier tome (10 000 ex sortis de caisse, tout de même). Les lois mathématiques du marché sont ainsi faites, on ne brise pas un cercle vertueux impunément et on en paye le prix.
En l'espèce, on restera au succès d'estime, malgré une très bonne presse.
Dont acte, j'ai raté le train.
J'aurais pu en rester là, me contenter de vivre ma vie de golfeur du week end, de père de famille comblé et de script doctor accompli, avec quelques incursions syndicale dans le secteur de la BD. J'aurais même pu fermer ce blog - j'y ai songé parfois, dans un mouvement de rage après un putt raté.
Pour faire court, car votre temps est précieux, j'ai été rattrappé par les cheveux par plusieurs inconscients qui ont fait des pieds et des mains pour s'embarquer avec votre serviteur.
Les malheureux, si seulement ils savaient. (En même temps, ils ont insisté, ça leur apprendra)
J'ai donc vu débarquer un beau jour deux dessinateurs qui sont tombés amoureux de deux projets impossible à caser, et qui se sont lancés à corps perdu dans la réalisation d'un dossier. Mieux encore, ils sont allés comme des grands démarcher les éditeurs lors du seul festival d'Angoulême auquel j'ai préféré une partie de golf, et ils en sont revenus avec des contacts plus que prometteurs.
En parrallèle, un coscénariste enthousiaste m'a fait une cour assidue et une offre que je n'ai pas pu refuser, m'apportant sur un plateau ce qui pourrait très bien devenir l'oeuvre de ma vie - rien que ça. Ce n'était pas la première fois qu'il tentait de m'attirer dans une écriture à quatre mains, mais jusqu'ici nous n'avions pas trouvé LE projet idoine.
Et, l'avouerais-je?, il a eu foutrement raison d'insister lourdement, puisque je suis désormais à bord d'une des plus belles aventures créatives qu'il m'ait été donné de vivre. Laquelle a en plus de très fortes chances d'aller au bout. Et au pire, on se sera bien marrés.
Tout cela, me direz-vous, c'est bien gentil. Trop peut-être, même. Vous vous seriez attendu à une explosion d'acide concentré telle qu'au bon vieux temps, quand je bloguais à la grenade et au cocktail Molotov.
Je vous sens déçus, presque.
Hé.
Oh.
On se réveille les enfants, on est toujours chez Tonton Henscher.
Il y a de la poussière partout, la peinture a tendance à se barrer et il faudrait passer la tondeuse, mais promis, dès la prochaine note, on repart sur des bases saines et drôlatiques.
Ca tombe bien, c'est 2012, l'année du Dragon, et celle de l'Apocalypse. Si avec ça, il n'y a pas moyen de foutre un joyeux boxon, c'est à plus rien y comprendre.
Donc restez connectés, la prochaine fois, on parlera éditeurs, lemmings et numérique.
Avouez qu'il serait dommage de rater un tel menu.
Ce soir, on va faire dans la violence gratuite.
Parce que c'est mon blog, que j'y fais ce que je veux, et que, il faut bien l'avouer, c'est fichtrement rigolo. Et comme je n'ai pas le temps de faire court, cela va être long, en plus d'être douloureux.
C'est une histoire fort amusante, bien qu'à la morale navrante, que vient de vivre le patron de l'Immanquable, mensuel qui se propose de prépublier tous les 30 jours des albums fort différents, venant de tous horizons, que ce soit des grands éditeurs, ou de certains, plus modestes, activité fort louable s'il en est.
Dans l'affaire qui nous intéresse, l'Immanquable se proposait de faire découvrir de jeunes auteurs - je cite "des auteurs ayant déjà publié un ou deux albums" - en publiant des histoires inédites - et complètes -qu'ils auraient dans leurs cartons. Bref, quelques gouttes de sueur, quelques perles de sang, une broutille. Mais attention, que de la qualité, tenue correcte exigée à l'entrée et on a dit pas de baskets.
Ce contenu inédit, il proposait de rémunérer grassement lesdits auteurs au tarif mirobolant de 30 euros par planche.
30 euros, tout compris: dessin, scénario, couleur.
C'est pas de l'amour ça?
Pour donner un ordre d'idée à ceux de nos lecteurs qui seraient novices en la matière, les contrats les moins bien rémunérés - je parle des cas où avance il y a - tournent autour de 50 euros par planche.
Pour le scénario, uniquement.
Vous trouverez sans doute pire chez quelques éditeurs vraiment fauchés - ou très peu scrupuleux - mais ils sont rares. Et dans tous les cas de figure, vous êtes assurés de confortables pourcentages en droits d'auteur, et de la conservation d'un pan non négligeable des droits secondaires, ce qui peut tourner au jackpot dans le cas, assez peu probable il est vrai, où de votre tirage ultra limité sortirait le nouveau best-seller.
Tout fier de son idée, ledit fondateur s'empressa d'envoyer le mail repris par ActuaBD à ses contacts professeurs dans les écoles de BD - qui comme on le sait, pullulent d'auteurs ayant déjà sortis une paire d'albums. Et n'écoutant que son entousiasme délirant, il rajouta des auteurs de ses connaissances, préférant ratisser large. Après tout, pourquoi se priver?
Là dessus, il prépara ses valises pour partir en vacances - les esprits chagrins persifleraient en disant que ce n'est pas avec ce qu'il proposait aux auteurs que ces derniers iraient se reposer dans l'ile de Beauté. Que voulez-vous, les gens sont méchants.
Que croyez-vous qu'il se produisit?
Hé bien, comme le relate fort justement l'article, bien que partiellement, pour des raisons de place aisément compréhensibles, le mail fit trois fois le tour de ce qu'Internet compte d'auteurs de BD, qui hurlèrent comme un seul homme et une seule femme, au scandale.
A raison, bien entendu.
De cette anecdote rendue savoureuse par l'écho que lui fit Internet, on peut faire au moins deux constats.
Tout d'abord que, contrairement à ce que disent les très mauvaises langues - dont certains journalistes BD et non des moindres, ils se reconnaitront, les coquins - le SNAC BD (indispensable, salvateur et visionnaire, dont il faudra que je vous parle très prochainement), ce ramassis d'auteurs aigris et volontiers marxistes arriérés, n'a pas eu besoin de téléguider, ainsi qu'il le fait à son habitude selon ses détracteurs, la colère de la base.
Car voyez-vous, à ce moment là, nous étions en effectifs tellement réduits que sur le coup, nous n'avons pas réagi à cette énième avanie. Nous avons des problèmes bien plus sérieux et plus urgents, et pas assez de bras pour les traiter - volonatires bienvenus, déclarez-vous, je ferai suivre.
C'est ballot.
Pour une fois, c'est pas nous.
Non, ce sont bien les auteurs, dont une grande majorité n'a aucun lien avec le poil à gratter du 9ème art, qui se sont légitimement insurgés contre un tarif forcément scandaleux, à la limite d'une attitude toute méprisante, visant à sous-entendre que les jeunes auteurs se paient de peu, et surtout de la lumière que l'on daigne projeter sur eux.
D'ores et déjà, la "polémique" qui s'ensuivit - et qui ne touche bien évidemment que le microcosme de la BD - démontre à elle seule le malaise palpable qui règne chez les auteurs, décorellé de toute affabulation dont on accuse généralement le SNAC BD.
Nous ne sommes finalement que la caisse de résonnance un peu organisée d'un mouvement beaucoup plus généralisé, et l'expression d'un mal beaucoup plus répandu que ce que à la fois les éditeurs et la presse veut bien reconnaitre.
D'autre part, cette affaire met en lumière le fossé qui sépare désormais même les plus farouches défenseurs de la BD - au premier rang desquels on a toujours trouvé le patron de l'Immanquable, qu'il en soit remercié ici - et les auteurs. Chacun étant en effet tout entier focalisé sur sa propre survie, fut-ce au détriement des autres.
Car le pire dans cette histoire, c'est que la proposition de l'Immanquable fait du sens - payer, même de façon très symbolique, les auteurs, tout en préservant l'équilibre financier déjà fort délicat du magazine.
Le plus navrant, c'est que le patron de l'Immanquable pensait réellement bien faire, et se retrouva sincèrement étonné, voire époustouflé, de la virulence des réactions que son projet a suscitées.
Il n'avait tout simplement aucune foutue idée de l'état de délabrement dans lequel se trouve notre profession et partant, il ne pouvait absolument pas prévoir que, se prendre une gifle pareil de la part d'un de ceux qui sont sensés nous soutenir, cela serait en quelque sorte une de ces goutelettes qui font déborder bien des vases, même en pleine sécheresse. Je ne lui jeterai pas la pierre, et personne ne le devrait.
Au contraire, nous devrions le plaindre.
Ce que Frédéric Bosser n'a pas pu prévoir, les éditeurs l'ont encore moins bien compris - ainsi que le non débat sur la BD numérique l'a bien montré.
Ce monde-là, l'ancien monde de l'édition BD, si familier durant ces 50 dernières années, est en train de mourir. Sortez les mouchoirs, ça va très mal se terminer.
Ce constat, que quelques grammes de lucidité de manqueront pas de vous démontrer, à la lumière de ce qui se passe en ce moment dans le milieu, s'impose de lui-même.
Cela n'ira pas sans heurt, sans larme, et sans une quantité impressionnante d'hémoglobine sur les murs. Personne n'a dit que ce serait facile. Ni rapide, d'ailleurs. Le système a encore de beaux restes, de quoi agoniser encore 5 ou 10 ans. Mais c'est inéluctable. Les éditeurs, la presse le savent. Il serait grand temps que les auteurs le réalisent, et commencent à prévoir la suite.
Mais puisqu'en France tout finit en chansons, tant que le bateau continuera de flotter, l'orchestre continuera de jouer.
Wanna dance?
Au bout du compte, c'est le golf qui m'a sauvé.
Ou qui vous a condamnés, c'est selon.
Je ne m'étais jamais rendu compte à quel point l'écriture avait de nombreux points communs avec mon sport favori. Vous partez de bon matin, rempli d'un espoir délirant, il fait beau, vous êtes d'une humeur à bouffer du lion et une partie du reste de la savane, et l'horizon azuré est riche de promesses de récompenses au delà de votre imagination - que vous avez pourtant redoutablement hypertrophiée.
Forcément, cela ne dure pas.
Evidemment, les choses ne tardent pas à se gâter.
Vous vous mettez dans des situations impossibles, et la promesse d'une promenade de santé se transforme aussi sec en parcours du combattant au travers d'un enfer dont vous ne soupçonniez pas l'existence.
Au golf, quand tout commence à se détraquer, vous avez beau y faire, vous courez de Charybde en Scylla. Le pire, c'est que vous pouvez toujours vous en prendre à votre club, à la balle, au tracé du parcours, la vérité toute nue, c'est que vous faites partie du problème. C'est même plus que cela, puisqu'en réalité, vous êtes le problème.
Hé bien l'écriture, c'est un peu pareil.
C'est même parfaitement identique.
Vous résumer ces 18 derniers mois relèverait un peu de la gageure, et d'un travail de titan que j'aurais du mal à fournir. Mais tout de même.
Tout d'abord le Banni.
Après une campagne marketing du tonnerre qui a inondé le festival d'Angoulême, nous faisant croire, l'espace de quelques jours que ça y était, nous étions des rock stars, une enfilade d'interviews en rafale, et des critiques ma foi plus proches du dithyrambique que de la descente en flammes, en dépit donc de tous ces handicaps qui feraient frémir le premier auteur venu, le bouquin a trouvé le moyen de se vendre.
(Hé oui, quand même, mine de rien. Tout de suite, on se sent une sorte de Mick Jeager. En plus jeune, et plus barbu)
Plus que correctement, même, puisque la barre symbolique des 10 000 exemplaire a été franchie, soustraction faite des retours - nous sommes donc allés bien au delà dans un premier temps.
Quand on sait qu'un premier album se vend en moyenne entre 1500 et 2000 exemplaires, 10 000, cela vous met sur la carte. S'ils ne l'ont pas lu, les gens en ont entendu parler.
Bref, pour un départ canon, cela se pose un peu là. Vous enchainez avec le tome 2 dans la foulée - la nuance est importante - et là, la seule limite, c'est l'espace lointain.
Or, fidèles lecteurs, vous le savez aussi bien que moi. De tome 2 du Banni, il n'en fut point dans l'année qui suivit. Et pour tout dire, il n'en est toujours point, à l'heure à laquelle je réanime ce blog aux palettes chargées à 200.
Pas plus qu'il n'est de tome 2 du Seigneur des Couteaux, vous l'aurez également remarqué - et tant de sagacité m'honore, je ne mérite pas un public tel que vous.
Enfin, vous avez encore moins entendu bruisser le microcosme de ma prochaine série, et pour cause: il n'y en a pas. Oh ce n'est pas faute de ne pas avoir fait le tour des éditeurs, surfant sur ma gloriole encore fraiche, battant le fer tant qu'il était tiède. J'ai bien tenté de monter plusieurs projets dans la foulée, mais ils se sont invariablement soit écroulés d'eux-mêmes, soit échoués sur les rives inhospitalières des refus des éditeurs.
A tel point qu'à un moment, j'ai décidé de me replier en bon ordre, et de patienter en faisant le gros dos et en espérant que cela passerait, que mon swing reviendrait, que ma vista sur le green se manifesterait à nouveau.
Ce qui est, je vous l'accorde, une erreur monumentale.
Quand le bateau prend l'eau, refuser de nager au prétexte que la cabine de première classe ne remplit plus les conditions décrites dans la brochure, n'est pas exactement la façon la plus constructive de résoudre le problème.
Du coup, on boit la tasse.
Ce que je fis, dérechef.
Oh, n'allez pas croire que je suis resté inactif. Si mon clavier a rarement eu l'incomaprable plaisir de ma compagnie, j'ai tout de même assuré les contrats en cours. Ainsi, l'intégrale du Seigneur des Couteaux est-elle livrée, dessins couleurs et textes depuis février, et j'ai bon espoir qu'elle sorte en catimini à la faveur du mois d'août. Ce qui sent le four, puisque, s'il n'y a pas ou peu de sorties durant l'été, il y a encore moins de lecteurs dans les librairies.
Et puis, vous le savez bien, c'est la crise. On vous bassine suffisamment avec ça tous les jours, mais croyez-moi, pas autant qu'on le rabâche aux auteurs.
De même, le tome 2 du Banni avance. Lentement, mais sûrement, son retard étant du à des accidents de la vie dont aucun auteur n'est protégé, et qui prennent parfois le pas sur la table à dessin. Cette excuse ne satisfera sans doute pas les lecteurs, ces bouffis d'ingratitude qui ont déjà oublié cette série et qui feront donc assez peu cas de la suite des aventures d'Hector, mais c'est la seule qui soit.
Notez que j'aurais sincèrement préféré vous avouer que Tarumbana et moi avons passé 12 mois dans les iles, à compter nos dollars et à vivre au soleil de rhum coco et de fruits de la passion. Si seulement!
Même pas.
Mais hormis ces deux séries, je n'ai rien écrit pendant un long, long moment, vivant sur le matériau accumulé durant la période où je mulitpliais les projets tous azimuths - ce qui fait quand même une sacrée quantité de texte, me suis-je rendu compte l'autre jour.
Pas plus que je n'ai entrepris de dessinateurs, à de rares exceptions près, dont les résultats se font encore attendre. C'est dire si cela valait la peine de les démarcher.
Je me suis sans doute un peu aigri en cours de route. Juste ce qu'il faut, et temporairement. J'ai surtout beaucoup réfléchi, et j'ai énormément remis en cause un nombre incalculable de priorités, de vérités, de principes sur lesquels je fondais mon activité il y a de cela 18 mois.
Et je me suis remis au golf.
J'ignore ce que j'y ai retrouvé, une certaine tranquilité d'esprit, une forme de sérénité, suffisamment de recul, voire - un comble! - beaucoup d'humilité. Ce que je sais, c'est que lorsque je me suis rassis à mon bureau il y a déjà quelques temps de cela, tout ce que je pensais vrai il y a 18 mois l'était toujours.
Les histoires qui me hantent, les personnages qui me murmurent à l'oreille, mes envies de repartir à l'abordage des directeurs de collection, mon exaspération devant l'indigence de 99% de la production actuelle, mon goût des rencontres avec des artistes inattendus, ma faim de cette infinie liberté qu'on ne trouve que difficilement en dehors de l'écriture, tout cela était là, intact, inaltéré.
Inachevé.
Alors je me suis remis à écrire.
Et c'est bien fait pour vous.